Pour que les choses soient claires, il convient en préambule de préciser qu'il était effectivement insupportable de laisser Kadhafi écraser dans le sang l'opposition libyenne. Il convient aussi de préciser que l'intervention actuelle et notamment celle des premiers avions français a sauvé les hommes, femmes et enfants de la ville de Benghazi d'un horrible carnage.
Cela fait, nous pouvons tout de même nous poser quelques questions:
Quelles étaient les motivations de Nicolas Sarkozy ?
Faut-il avoir peur de dire que la France avait complètement raté la gestion du début du printemps arabe? Rappelons simplement les vacances de Noël de Mme Alliot-Marie en Tunisie, et ses propos malheureux à l'Assemblée Nationale. Les vacances de François Fillon en Egypte et celle de Henri Guaino en Libye... Et surtout l'insupportable silence de la France alors qu'un mouvement historique avait lieu au plus prêt de ses frontières. Au début de la révolution libyenne, le souvenir de l'accueil fait à Muammar Kadhafi à Paris ainsi que l'évocation d'une possible vente d'une centrale nucléaire à la Libye évoquée en octobre dernier finissaient d'assombrir le tableau... alors que les Etats-Unis occupaient le devant de la scène en trouvant les mots justes et les actions adéquates pour soutenir ces révolutions.
Ainsi, quelques heures avant le premier tour des élections cantonales, et après s'être laissé convaincre par Bernard-Henri Lévy, Nicolas Sarkozy essayait de reprendre la main sur ce qui était déjà perçu comme un fiasco... sans avoir forcément prévenu son tout nouveau ministre des affaires étrangères...
Cette décision a été prise, rappelons le, alors que les révolutionnaires libyens étaient en déroute et que Muammar Kadhafi reprenait une à une les villes perdues.
Quelles sont les risques de cette intervention militaire ?
A six jours du début de notre intervention, il semble clair que les révolutionnaires ne sont pas en mesure de reprendre le dessus. La situation militaire sur le terrain risque de se figer. Et si cette intervention devait durer, le risque est qu'elle soit perçue au fil du temps comme étant une véritable "croisade" par les pays arabes. Cela ne rappelle-t-il pas, par ailleurs, une phrase sortie de la bouche de Claude Guéant, notre nouveau ministre de l'intérieur ?...
Enfin, cette intervention risque de créer une véritable guerre civile tribale. L'exemple de l'intervention occidentale en Afghanistan fait froid dans le dos. Et le chaos créé en Irak n'est pas non plus très réjouissant... En d'autres termes, le mieux est parfois l'ennemi du bien... et le mieux créé parfois plus de victimes que le bien...
Voilà donc intéressant de mettre côte à côte les motivations, et les risques d'une intervention... L'avenir nous dira si effectivement c'était la bonne décision, ce qui aujourd'hui n'est pas évident...